Manuel TEXEIRA-GOMES

Rafik MAMMASSE, un Bougiote de Brooklin Park - Minnesota USA, qui entretient des liens avec notre groupe, nous a transmis un article sur le Président Manuel Texeira-Gomes. Cet article est paru dans le site de l'APS (Algérie Presse Service) du 23/02/2003 (http://www.aps.dz/fr/view.asp?ID=37222). Nous vous le livrons.


L'exil du président portugais Teixeira-Gomes à Béjaia

Après avoir tiré sa révérence au monde politique, en démissionnant de son poste, le premier président de la république du Portugal, M. Manuel Teixeira Gomes (1923-1925), a choisi de s'établir à Béjaia (1931).
Il y est resté jusqu'à sa mort, dix années durant, consacrant son temps à la contemplation, l'écriture et l'échange épistolaire. Initialement la capitale des Hammadites ne devait constituer qu'une étape de son long périple maghrébin, mais sitôt arrivé, le charme de toute la région et la simplicité de ses habitants l'ont résolu a s'y ancrer.
"Le charme de la mer,à lui seul, a contribué énormément dans ma décision de rester dans cette ville, une sorte de sinatra au bord de mer, mais plus accidentée et plus riche en promenades agréables : "Bougie est une terre d'élection", confiait-il dans une lettre à son ami fidèle, Joachim Laydao.
Poète au romantisme à fleur de peau, Teixeira Gomes a trouvé assurément en Béjaia l'endroit rêvé pour se reposer, se ressourcer et qui lui permettait par dessus tout de rompre avec le souvenir des années d'épreuves passées au Palais de "Belem", la résidence présidentielle. Il en a été marqué et épuisé, et en est sorti rempli d'amertume. "Il s'agissait d'un immense gâchis que j'ai traversé miraculeusement sans m'y noyer", confiait-il.
Le contexte dans lequel il avait présidé aux destinées de son pays avait été marqué, en effet, par une scène politique tumultueuse, secouée autant par les velléités de retour des tenants de la monarchie déchue que par les prétentions affichées des partisans de la dictature, qui n'ont pas tardé d'ailleurs à s'emparer des racines du pouvoir.
Contrarié dans son projet de fonder une véritable république, il finit par jeter l'éponge. C'était aussi une époque, ou, du fait de ses charges, il a vécu amputée de tout ce qui faisait sa fascinante singularité: ses passions pour les livres, l'écriture, les arts et surtout les voyages qui ont forgé en lui une sensibilité rare.
Ne à Portimao en mai 1860, il a vécu constamment au gré de ses inspirations, cultivant ses penchants pour les valeurs de liberté et ses goûts artistiques. Les nombreux voyages entrepris a travers l'Europe, le Maghreb et le Proche Orient alors qu'il était encore enfant, puis son passage à l'université ont fini par révéler en lui une réelle grandeur et un universalisme certain. Il appréciait particulièrement la culture orientale et "l'ivresse de la poésie arabe". Ce sont ces prédispositions qui lui ont permis, par ailleurs, de se fondre dans son nouveau cadre de vie bougiote installé dans la chambre "13" de l'hôtel "L'Étoile", situé Place du 1er novembre (ex-Place Gueydon), il a "vécu les joies et les tristesses" des habitants de la ville, jugés fort "aimables" et qui éprouvaient à son égard "une affection particulière". D'aucuns ont gardé de lui le souvenir d'un homme affable, élégant, souvent vêtu de blanc et portant un couvre chef. Chaque matin, il avait pris le pli de venir s'attabler à une terrasse de la Place Gueydon, le journal à la main, scrutant pendant de longs moments, le magnifique paysage qui s'offrait à ses yeux. Un rituel qui répondait en vérité à une pulsion nostalgique au cours de laquelle il prenait plaisir à suivre le mouvement des bateaux entrant en rade. "C'est mon heure portugaise. Je l'ai appelée ainsi parce que c'est l'heure à laquelle je reçois le courrier de mon lointain pays. J'apprends les nouvelles de mes amis, de mes filles et de mes petits enfants que je n'ai pas connus... C'est l'heure la plus heureuse de ma vie", confiait-il encore.
En vérité, M. Gomes sortait très peu de sa chambre, notamment les dernières années de sa vie, il se sentait "fatigué". Son isolement délibéré néanmoins était exploité à bon escient pour écrire, se montrant aussi prolixe que talentueux, enchaînant en un laps de temps court, chroniques, théâtre, contes et romans. "Une personnalité unique de la culture portugaise de son époque", selon l'institut Camoes. Prosateur, il a signé en effet à Béjaia ses plus belles œuvres dont "Lettres à Colombo" (1932), "Maria Adélaïde" (conte-1938) et "Carnaval littéraire" (1939). Une longue œuvre qui traduit "une vision du monde tranquillement épicurisme", souligne l'institut Camoes. Sorti de son enfermement, M. Gomes s'adonnait à de longues promenades À travers les hauteurs de la ville. Des promenades qui l'emplissaient de bonheur : "Je regarde la mer, les montagnes, les paysages avec la curiosité d'un ressuscité". Le 18 octobre 1941, il rendit l'âme et ce n'est que neuf ans plus tard que son corps a été rapatrié à Portimao. La chambre "13" qu'il a occupé est, depuis, un lieu de pèlerinage, accueillant, régulièrement, des délégations de son pays dont la plus illustre aura été celle conduite par le président Soares.
Tout récemment, elle fut visitée par le ministre portugais des travaux publics et du logement, M. De Oliveira. Pour les Béjaouis le vœu, pour pérenniser sa mémoire, reste le jumelage de leur ville avec celle de Portimao.

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